Éditorial – Promotion Kamouraska : si on éteignait la lumière ?

De gauche à droite : Gervais Darisse, président de Promotion Kamouraska; Pascale Dumont-Bédard, directrice générale; Yvon Soucy, préfet de la MRC de Kamouraska. Photo : Archives Le Placoteux.

Un ancien collègue avait l’habitude de dire : « Est-ce que la dernière personne peut s’assurer d’éteindre la lumière en sortant ? », lorsqu’il était question d’une entreprise ou d’une organisation rendue au bout de son existence. Dans le cas de l’organisme Promotion Kamouraska, où une réflexion a actuellement cours sur son avenir, tout semble pointer vers cette direction. Reste à savoir qui aura le courage de toucher à l’interrupteur.

Le départ de la directrice générale de Promotion Kamouraska Pascale Dumont-Bédard semble aujourd’hui être la motivation derrière cette remise en question de la pertinence de cet organisme. Pourtant, il ne s’agit pas de la première occasion qui se présente aux administrateurs pour provoquer cette réflexion.

Autant la création de Promotion Kamouraska était motivée, en partie, à l’époque, par le désir d’avoir accès à des programmes de subventions gouvernementaux qu’une organisation publique comme la MRC ne pouvait réclamer, autant cet avantage indéniable devenait questionnant à la présentation des états financiers, déficitaires, lors des trois premières années d’existence de l’organisme, ou avec un faible excédent budgétaire, comme c’était le cas cette année en 2020.

Une des raisons expliquant ce déficit budgétaire était le modèle d’affaires proposé par Promotion Kamouraska : une partie de financement provenant de la MRC et l’autre de la communauté, par le biais du membership, d’activités de financements ou de contrats de communications ou à titre de chargé de projets pour le compte d’organisations kamourakoises. Or, ce financement privé promis lors de la création de l’organisme ne s’est jamais concrétisé, rendant ce dernier toujours davantage tributaire de la MRC, au point où une restructuration était devenue nécessaire en 2018.

À l’époque, un déficit de 15 317 $ était rendu public, accompagné d’une hypothèse de non-continuité de l’organisme dans les notes du rapport financier du vérificateur comptable. La grande réflexion qui en a découlé suggérait l’intégration de l’organisme dans le périmètre comptable de la MRC de Kamouraska, son principal bailleur de fonds.

Il s’agissait là d’un moindre mal, nous disait-on. En modifiant le statut de Promotion Kamouraska pour en faire un organisme à but non lucratif du secteur public, il n’aurait plus le choix de sa firme comptable, mais conserverait une certaine indépendance. Ce changement devait notamment être prometteur d’une « gouvernance simplifiée », avait mentionné la directrice générale. Fini les redditions de compte régulières aux élus et la gestion financière par projets. Désormais, un protocole d’entente global lierait l’organisme à la MRC via un budget versé une seule fois annuellement.

Mais pourquoi ne pas avoir plutôt saisi l’occasion d’intégrer Promotion Kamouraska à la MRC ? « On veut qu’il (l’organisme) demeure indépendant, car il offre une belle ouverture sur le milieu en permettant à des gens du Kamouraska de siéger sur le conseil d’administration et de participer à l’assemblée générale annuelle », avait déclaré le préfet Yvon Soucy, à ce moment.

Une ouverture sur le milieu qui a été poursuivie, certes, mais qui aura coûté à celui-ci près de 25 000 $ cette année, argent provenant oui du surplus éolien de la MRC, mais qui en servant à éponger la dette de l’organisme n’est pas allé à un projet aux retombées plus concrètes pour le Kamouraska.

Quant au montant global versé au fonctionnement, ce dernier, combiné à des subventions gouvernementales, a fait un bon de 67 000 $ par rapport à l’année précédente, pour un excédent d’exercice de… 700 $. Le président a donc raison d’affirmer qu’il y a un éléphant dans la pièce et disons que sa présence est de plus en plus difficile à justifier.

Réalisations

Si les finances de Promotion Kamouraska recommandent à elles seules de mettre un terme à l’aventure, il est compréhensible qu’une forme d’hésitation soit néanmoins au rendez-vous quand on jette un œil aux réalisations. Les missions économiques couronnées de succès à Montréal et Québec, le marketing territorial et la Maison du Kamouraska sont dignes de mention, même si dans le cas des deux derniers projets énumérés, ils n’ont pas été exempts de critiques.

La Maison du Kamouraska, par exemple, dont il serait surprenant que l’architecture passe un jour à l’histoire, est venue en quelque sorte casser le moule traditionnel des bureaux d’informations touristiques. Par une approche moins statique des préposés et une offre de services complémentaire avec la projection d’un film immersif sur la région et la résurrection de la halte-marine, cette « maison » est devenue en quelque sorte une destination en soi plutôt qu’un simple arrêt obligé pour les touristes. Un coup de maître, disons-le, à l’ère où un téléphone intelligent et une connexion internet suffisent aux touristes pour planifier leurs visites.

Concernant le marketing territorial, bien qu’il serait étonnant d’assister ces prochaines années à des foules débarquant en masse s’installer dans les municipalités du Kamouraska, la démarche kamouraskoise avait tout de même le mérite d’être une des premières de ce type à être réalisée à l’échelle d’une MRC et de permettre aux entreprises de la région d’avoir enfin des outils de communications entre leurs mains pour faciliter le recrutement d’employés à l’extérieur du territoire. Mais au-delà des hashtags accrocheurs et des photos de paysages partagées sur les médias sociaux, cette démarche qui se voulait à la fois le miroir d’un esprit politique plus consensuel à l’échelle de la MRC a suscité peu d’adhésion en dehors de son cercle d’initiés.

Comme tous ces projets ont fait l’objet de consultations auprès du public ou des acteurs concernés, il est difficile de croire que les résultats auraient été différents s’ils avaient été menés par des ressources à l’emploi direct de la MRC de Kamouraska. En ce sens, l’ouverture sur le milieu qu’offre un organisme comme Promotion Kamouraska, par le biais de son conseil d’administration, peut paraître bien vertueuse, mais en quoi la facture qui y est rattachée devient-elle justifiée?

La question demeure donc entière : pourquoi ne pas intégrer ce qui restera de Promotion Kamouraska à la MRC, en rapatriant les secteurs restants (tourisme et communications), et en embauchant, au besoin, un chargé de projets à l’occasion ? Car s’il semble évident qu’éteindre la lumière sur cet organisme semble être la décision la plus pragmatique dans les circonstances, il serait dommage qu’on attende encore trop longtemps au point où la couleur de l’éléphant dans la pièce risque de se mettre à trop pâlir.